vendredi 11 février 2011

Soir doux d'un trente août


Par un beau mercredi soir, sur l'heure du souper,
sur le Chemin du Roy, à Champlain,
une auto ralentit, tourne et descend la côte d'un chemin de gravier
qui se rend jusu'au fleuve, qui s'arrête là, à l'eau,
en face d'une île déserte remplie d'arbres.

Christian et Jean arrivent au Foin Fou,  au Café Foin Fou.
Ils sont les seuls clients.
L'air est doux, la lumière chaude.
Petits oiseaux dans les grands arbres qui entourent le pré et le marécage


                            Ils prennent tout leur temps pour respirer des grandes lampées d'oxygène tranquille… et tout à l'heure, ils joueront une couple de petites parties d'échecs… en sirotant une bière…
En entrant dans le Café, un blasphême: le patron, qui fait semblant d'être surpris, les bras en l'air comme un mononk italien, s'avance vers eux comme si ça faisait des années qu'ils s'étaient vus.
Ils sortiront sur la terrasse; jasant que le temps est bon dans cette fin de jour, en cette fin d'été, de saison touristique. Ça tombe tranquille… calme… mais, la nature est si belle en automne, près du fleuve.
Ils descendent se promener dans les sentiers le long du marécage, pleins de fleurs, de parfums, de couleurs, d'insectes… Des verts foncés qui ralentissent et détendent le nerf citadin.
Reviennent s'asseoir dans les marches du large escalier, écoutent les gazouillages, perdus dans leurs pensées, pendant que les secondes suivent le couchant.
Jean et Christian s'installeront à leur partie sur la petite table près de la porte-fenêtre, pendant que le serein tombe.
Le reste de la soirée se passerait comme dans un film japonais: silhouettes assises devant la porte patio d'où on peut apercevoir l'étang dans le bleu de la brunante, penchées au-dessus du jeu d'échecs dans le silence. Le patron, debout, tout près de la table, bras croisés, les regarde. Un pion… un fou. Quatre minutes passent, le patron s'asseoit tout près d'eux, continue à observer. Un héron vert passe rapidement au-dessus de l'étang. Puis tout s'immobilise encore pendant six minutes.
Jean toussotte, il a envie de fumer, de prendre une autre bière. Christian veut un café. Tout le monde se lève, sort. Dehors, il fait noir maintenant. Sur le balcon, cigarette en discutant de déplacements possibles du cavalier. Le ciel est tout étoilé.
De la route une auto descend le côteau côte, lentement, jusqu'au stationnement, tourne et remonte la côte, reprend la route doucement. Ça arrive de temps en temps, ça des gens qui repartent tout de suite, soit parce qu'il n'y a pas assez de monde, que ça n'a pas l'air de brasser assez fort dans la place, ou bedon parce que l'insecte piqueur leur fait peur, ou la grenouille, on ne sait pas trop…
L'auto a repris la route mais, cent pas plus loin, on la voit redescendre dans un autre chemin de gravier qui mène à des chalets, le long du fleuve. Du balcon du Café, les gars ont bien vu ça, mais sans plus. Des gens qui se seraient trompés de route… à moins que ce soient des rôdeurs.
On retourne au jeu. On revient fumer, puis on termine la partie… et il est déjà tard. "Une heure moins vingt… Faut s'en aller maintenant… Veux-tu qu'on t'attende?…. On va partir en même temps que toi si tu veux"
Le patron répond que ce ne sera pas nécessaire: " Je vais faire la fermeture tranquillement… juste un peu de vaisselle à faire… un minuscule ménage… ça se fait bien… " 
Les gars s'en vont, se rendent à leur auto, s'asseoient sur le capot, prennent encore le temps d'en fumer une dans la nuit calme, dans l'air doux, en regardant le ciel plein d'étoiles.

Parmi les foins
Cent pas plus loin, moteur éteint, dans le noir, deux autres gars observent le Foin Fou et son aura de lampes jaunes.
Prendre les cagoules et les gonnes tronçonnés, le 16, et le 410 pour le jeune, sortir et s'avancer lentement dans les herbes hautes jusqu'à la taille. Attention! Y a du monde!
Deux gars sont accotés sur le devant de leur char; ils fument, jasent… regardent le ciel, les étoiles, le temps d'une cigarette, puis, s'embarquent… leur machine monte la côte, prend la route. Sont partis. Alors, les lumières s'éteignent dans le chemin et autour du Café.
On avance dans les foins… jusqu'au stationnement, et dans le chemin de gravelle. Marcher comme dans de la ouate, la tête toute floffée par la poudre et les pilules, comme dans un rêve.
Monter sur la petite galerie d'en arrière. Jeter un œil. Le patron est là, tout seul. Il ramasse ses affaires en écoutant de la musique. On attend un peu. Tourner la poignée; c'est barré. Ça sera pas long. Ça crie dans le ventre. Bouche chèche. Nerveux. Ne pas bouger. La musique s'arrête, ramassage terminé, dernière lumière qui s'éteind. Début de crampe dans les jambes… Attention, il arrive

zéro heure quarante-huit
"Un peu passé moins quart, les gars démarrent et s'en vont.
Je jette un oeil par la fenêtre de la porte qui donne sur le chemin qui mène à la route. Je les vois monter la côte et prendre la route. Tout devient calme. La soirée est vraiment terminée maintenant. Il reste à ramasser la paperasse de la caisse, coupons et piastres, fermer la musique, les lumières extérieures, verrouiller les portes et monter à la maison. C'est mon habitude, quitter la place le dernier, quand tout le monde est parti.

Au moment où, je pousse la "barre-panique" de la porte de derrière, dans beaucoup d'obscurité, j'aperçois à travers la vitre, accroupis, quatre yeux, deux bouches et un fil de reflet de lumière le long de deux canons de fusils tronçonnés: deux cagoules.
Tu ne vois que trois petits ronds pâles dans une tête noire. Deux yeux qui ne laissent pas voir d'expression, et le trou rond pour la bouche où tu ne vois qu'une fente des lèvres. Personne qu'on pourrait reconnaître. Totalement anonyme. Un mur.
Il y avait là deux gars, derrière la porte arrière, sur la petite galerie… ils m'attendaient.
J'avais déjà poussé la porte qui était entrouverte de quelques pouces, juste assez pour qu'une main la retienne et l'ouvre plus grand. Je suis paralysé de surprise et de peur, me disant: "Ohhh! Non! C'est un vol". Déjà, Un gars était entré et il avançait sur moi en me poussant sur l'épaule avec le bout de son fusil. Je ne pensais plus rien. J'avais peur. J'allais obéir, c'est certain. Je recule d'un pas, il avance d'un pas, il me pousse du bout du canon, Je recule d'un deuxième pas, apeuré, sans résister. Tout ça se fait en silence… il ne se dit pas un mot… la situation est très claire: c'est un vol. Le gars avance d'un troisième pas et je recule encore, BANG!
Le coup est parti: un bruit sourd: un "BOUM". Je vole dans les airs, comprenant qu'on m'avais tiré, j'ai pensé: "Mon Dieu", puis vaguement, en un tiers de seconde plané: "Mourir? Est-ce que je vais mourir?" et je m'écrasais sur le plancher, sur le dos.
Je râlais. Un gars est arrivé près de moi, s'est assis sur ma poitrine et a dit: "Arrête de crier". C'était une voix grave et calme. presque douce. Je râlais toujours. Il a répété: "Arrête de crier". Là, j'ai eu peur. J'ai pensé que si je continuais à râler, j'allais recevoir un coup de crosse de fusil en plein visage. Me suis tu.
"Où-ce qui est l'argent?". "Dans ma serviette" J'ai levé le bras pour montrer où elle était, tout près de la porte, prête à être emportée.
Il a dit à l'autre: "Passe-moi un Tie-Wrap! … " Puis à moi: " On va t'attacher les mais dans le dos…" On m'a tourné sur le ventre, j'ai entendu qu'on ramassait de la petite monnaie restée dans le tiroir de la caisse, et j'ai perdu conscience.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire