mercredi 24 décembre 2008

Des fois en ville




Des fois en ville, on rencontre quelqu'un pas vu depuis longtemps.
On s'arrête quelques secondes pour saluer et prendre des nouvelles.
L'autre dit que sa vie a basculé, qu'il a eu des problèmes de santé
et que tout s'est arrêté.

On écoute poliment, avec du minuscule agacement;
on va se faire raconter une belle histoire de malade
et on dirait que ça pourrait durer des heures,
comme si le temps n'existait pas pour l'autre.

Vu qu'on est toujours pas mal occupé,
au bout de trois, quatre secondes max
on n'écoute plus
on est reparti dans nos pensées
tapant secrètement du pied à l'intérieur du soulier
se disant que c'est d'valeur le basculage de l'autre
mais
on a autre chose à faire:
"Elle est pas arrêtée, ma vie, à moi"
qu'on se dit


Quand on est le moindrement poli, on attend la fin d'une phrase,
pour profiter de la seconde de pause,
pour vitement dire qu'on s'excuse
en regardant sa montre
puis n'importe quoi autour,
sourire, soupirer,
dire que c'est pas drôle, oui, on comprend...
on regarde le trottoir... mais tsé...
bien sûr, on a tous nos problèmes

Excuse-moi, faut que je retourne travailler
Ça fait plaisir de t'avoir vu
salut, lâche pas...
à la prochaine

et on s'éloigne

L'autre
dont la vie a basculé
reste là, seul,
au milieu du trottoir
avec sa lenteur et la drôle de solitude
de ceux qui ne fonctionne plus comme les autres.



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extrait de "Erreur sur la perdrix"

1 commentaire:

  1. Heu...ben J'avais une belle histoire de malade a te conter mais bon...bof.... un aut' tantôt....
    Jamil

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